Fontainebleau 2024 : Deux vainqueurs dans le criterium 4 ans Entiers/Hongres
L’enjeu était grand pour les candidats de cette finale. Il s’agissait notamment pour certains d’obtenir leur approbation au sein du stud-book Selle Français. Contrat rempli pour les trois protagonistes de ce podium. Chose rare, COVID VD EVEXHOEVE Z et KOKORIKO DORCHIVAL terminent premiers ex aequo car ils se sont présentés à la Grande Semaine au même rang du Top 100 SHF (3èmes). Tout comme son prédécesseur au classement, KASPER DU VAL GUERARD remportait un CIR, celui d’Auvers, avant de s’octroyer la troisième place. Un trio de futures stars de l’élevage… ?
Covid van de Evexhoeve Z, le virus de la victoire
Pardonnez-lui son patronyme… Né en Belgique chez Jören Van der Bruggen en pleine pandémie de Covid-19, la tentation était trop forte pour son éleveur ! Son père Cascol Z (Casall, holst) n’est pas très connu en France. Débuté sur la scène internationale par Dayro Arroyave (COL) avec qui il évolua jusqu’en CSIO3* (4ème de la Coupe des Nations de Vilamoura), il effectua un court passage sous la selle de Christian Ahlmann avant de rejoindre le piquet de Piergiorgio Bucci, avant d’apparaître début 2023 avec Guido Franchi, toujours pour l’Italie. Côté maternel, Covid hérite du sang de Cassini II (Capitol I, holst), Landor S (Landadel, holst) et l’excellent mais trop rare Cento, soit un second apport du sang du chef de race Capitol I. Très peu fournie en gagnants, cette souche maternelle avait séduit le comité de sélection des Ventes Fences Elite 2023 lors desquelles Franck Hodde en fit l’acquisition. Un clin d’oeil de l’histoire puisque son père Cascol Z avait lui aussi été adjugé à l’époque lors des Ventes Fences...c’était en 2013 pour un montant de 9,500 € ! Acheté pour sa fille, Covid a été très rapidement confié aux bons soins de la famille Leportois, à la tête des Ecuries de Verduizant.
COVID VD EVEXHOEVE Z & Pierre-Adrien Leportois - Crédit photo : PSV photo
« L’un de nos clients s’est intéressé à notre univers » explique Pierre-Adrien. « Je lui ai expliqué le principe des ventes aux enchères et la façon dont on pouvait investir. Il m’a indiqué son budget, et j’ai repéré plusieurs chevaux. Je m’entends très bien avec Laurent Guillet, je lui ai donc expliqué notre projet sportif et commercial. Je voulais être sûr que le cheval retenu corresponde en matière d’aptitude et de caractère. Nous avons présélectionné trois chevaux, mais Covid apparaissait moderne, dans le sang, très beau et sautait de façon pas ordinaire. » Le duo s’adjugea le cheval durant la vente du dimanche lors des Fences Elite. « J’avais déjà été chanceux lors de ces ventes grâce à Viens Tu du Rouet, vendu ensuite à Pius Schwizer » avoue-t-il. « Là, une fois à la maison, nous avons eu quand même des doutes. La première fois sous la selle n’a pas été fabuleuse, il enjambait. Mais il a toujours gardé son envie de sauter. » Au fil de la saison, Covid s’est révélé et a terminé en beauté. « Il a signé ses deux parcours les plus aboutis de la saison lors de la finale » dit-il. « J’ai quand même expliqué à mon propriétaire que cela n’arrivait pas à chaque fois ! ». A 34 ans, Pierre-Adrien peut donc compter sur l’alezan pour l’accompagner l’an prochain sur le circuit SHF, pendant que ses propres poulains grandissent dans la ferme achetée voici quelques années.
COVID VD EVEXHOEVE Z & Pierre-Adrien Leportois - Crédit photo : PSV photo
Partons à la rencontre de Pierre-Adrien Leportois et Franck Hodee, les deux hommes de la vie de COVID :
Kokoriko Dorchival, de Cluny à Fontainebleau
Sans véritable surprise, le Champion du CIR de Cluny s’est hissé sur la plus haute marche du podium de ce Critérium Cycle Classique 4 ans. Bien qu’estampillé Selle Français, il n’en est pas moins un mélange de plusieurs stud-books européens, belge et allemands...ce que son patronyme ne traduit pas tout à fait. Issu de l’incontournable fils de Clinton, Windows vh Costerveld, KOKORIKO DORCHIVAL descend d’une lignée maternelle fort intéressante. En effet, sa mère Arielle (Acord II, holst) fut une grande gagnante internationale sous la selle du britannique William Whitaker avant de rejoindre les Emirats. Dès sa retraite sportive en 2009, elle fut mise à la reproduction par transfert d’embryons. Elle donna pas moins de 17 poulains, Kokoriko appartenant à l’avant-dernière génération. Parmi ses bons produits, se distinguent déjà Gavotte de Réville (Président, sbs) avec Elodie Gondailler, et son propre frère Hourra de Réville avec Dylan Ringot, tous deux performants sur 1,45m. Cette souche s’avère totalement polyvalente puisqu’on y trouve des gagnants à haut niveau dans les trois disciplines olympiques, y compris en concours complet avec Wodan III, le partenaire de Sam Ecroyd en CCI5*. Installé en Saône-et-Loire à Cormation, près de Cluny, Sébastien Fonck, naisseur de Kokoriko, vit pleinement sa passion pour l’élevage sur son exploitation agricole. « J’ai une quarantaine de chevaux à la maison actuellement et je fais naître quatre à cinq poulains par an » décrit-il. « Je suis uniquement axé chevaux de saut d’obstacles. Nous sommes en autarcie pour le foin produit sur place. Je ne vends pas foal, je les garde au moins jusqu’à trois ans, puis nous procédons à une sélection. Ensuite, je les fais valoriser par Thomas Lévêque, installé à une heure de la maison. Je travaille avec lui depuis plusieurs années et cela se passe très bien. »
KOKORIKO DORCHIVAL & Thomas Lévêque - Crédit photo : PSV Photo
Eleveur professionnel depuis quinze ans, Sébastien Fonck a débuté très doucement. « J’ai eu de la chance dès mes premiers poulains. Cela m’a motivé à me développer » admet-il. Pharmacien de profession, il a été rattrapé par sa passion. « Il y a quatre ans, avec l’explosion des ventes d’embryons, je me suis intéressé à l’achat de plusieurs d’entre eux afin de diversifier mes souches. Sauf qu’avec Kokoriko, j’ai eu un mâle. J’ai acheté cet embryon à l’élevage de la Violle, de Hugues Bonvallot. J’étais un peu déçu que ce soit un mâle, mais malgré tout, il était splendide à la naissance, et avec ses origines, nous avons décidé de le conserver et le valoriser. Il bougeait très bien, et l’origine m’a séduit. D’un côté, Windows est un étalon star, de l’autre la mère a gagné Coupe du Monde. Dans tous les cas, c’était un cheval qu’il fallait attendre pour voir si la qualité était à la hauteur de sa génétique. A 3 ans, nous avons tout de suite vu qu’il en avait. Nous l’avons gardé entier, car il est d’une gentillesse incroyable avec l’homme. » Débourré chez Mathieu Mathurin, Kokoriko Dorchival a participé au concours étalon à trois ans, sans être sélectionné pour la finale saint-loise. « Il réalise une saison fantastique avec 14 sans faute sur 14 » dit Sébastien. « Je ne fais jamais de plan sur la comète. Malgré tout, il a tellement de force, de respect, de sérieux qu’on pouvait être confiants. L’objectif en l’emmenant à Fontainebleau était qu’il soit vu par les juges du Selle Français pour éventuellement qu’il soit agréé étalon. C’est la première fois que j’emmène un 4 ans à la finale, d’habitude ils partent au pré en juin. Il a fait ça si facilement et sereinement, je pense que ça ne lui a pas trop coûté d’y aller. » Mission accomplie pour le gris qui a reçu son sésame afin de commencer sa seconde carrière, celle d’étalon. « J’ai été un peu perdu au début avec ce nouveau règlement que je n’avais pas bien lu, j’avoue » admet-il, « j’ai finalement compris que le championnat tenait compte de la NEP, et dépendait donc du jugement humain, ce que je respecte évidemment. Le Critérium, lui, tient compte de la régularité sur la saison, et est donc plus révélateur de la qualité du cheval. Cela récompense le travail accompli en amont de la finale. C’est presque plus satisfaisant de remporte le Critérium. » Très remarqué par les étalonniers et les acheteurs étrangers, Kokoriko Dorchival devrait rester en France pour ses jeunes années de formation...avant peut-être de connaître la même trajectoire que d’autres « Dorchival » bien connus.
KOKORIKO DORCHIVAL & Thomas Lévêque - Crédit photo : PSV Photo
Sébastien Fonck et Thomas Lévêque nous parlent de leur protégé KOKORIKO DORCHIVAL :
Kasper du Val Guerard, le fantôme de Thurin
Avec ce second gris sur le podium, c’est en réalité tout un pan de l’élevage français qui s’offre aux regards des amateurs de génétique. Car la valeur de KASPER est bien réelle. Il porte en lui le sang d’une grande Dame du stud-book Selle Français, la célèbre Son Altesse (Vas Y Donc, ds) et sa fille Kavala (Ecossais, ds), jument base de l’élevage de Thurin de la famille Pottier. Enumérer les innombrables grands gagnants issus de cette souche ô combien prolifique prendrait des pages et des pages. Citons tout de même les étalons First de Launay (ISO 189), Leprince de Thurin, Brahmann St Simeon, Jabad, pour ne citer qu’eux, ou encore les excellents performeurs Etoupe II (ISO 161), Alpha D (ISO 161), ou encore Berceuse Kerellec (ISO 158). La grand-mère de Kasper, Noblesse de Thurin (Quastor, sf), finaliste à 4 ans, a eu huit produits, dont le bon Hastings (ISO 172), partenaire de Bruno Rocuet, et Ike de l’Oisellière (ISO 156). Kimeka, la mère de Kasper par le chef de race Anglo-arabe Ryon d’Anzex, s’était déjà illustrée en donnant naissance à Fée du Val Guerard (Windows vh Costerveld, bwp), ISO 151 et exportée en Allemagne. « Kasper est né chez Michel Palau » explique Hubert Esnault, co-naisseur. « On se connaît et on travaille ensemble depuis trente ans. Il a pris sa retraite et a déménagé dans le sud. Plutôt que de disséminer ses chevaux un peu partout, nous nous sommes arrangés et j’ai racheté la moitié de ses chevaux, dont la mère de Kasper ».
KASPER DU VAL GUERARD & Hadrien Leleu - Crédit photo : PSV Photo
Conçu par Michel Palau, né chez Hubert Esnault, Kasper a été présenté successivement à 2 puis 3 ans. « J’avais repéré qu’il avait un bon potentiel, il a confirmé cette année sur le circuit des 4 ans. Il a montré de la facilité, de l’aisance au galop, des qualités qui laissent présager un bel avenir...mais de l’eau va encore couler sous le pont. Nous savons qu’avec les chevaux, les choses ne sont pas acquises à 100 %, il faut un peu de chance avant d’atteindre le haut niveau. Nous nous sommes projetés assez loin avec de cheval. » Pour l’instant, le gris reste chez son copropriétaire et part à la congélation. « Il attaquera la monte la saison prochaine » dit-il, « approuvé sur performances et famille à 10 sur 10. Son propre frère participait à la finale des 6 ans, et sa sœur sautait à 1,50m. C’est l’aboutissement d’une longue sélection sur plusieurs générations. » Un peu perdu quant au nouveau règlement, Hubert Esnault reste positif. « J’ai un cheval Champion du CIR d’Auvers qui a signé 13 sans faute sur 13 avec une note de 16 qui termine à 3,750 et qui n’est pas Elite...c’est étonnant mais ce n’est pas grave, le principal, c’est la façon dont le cheval a sauté. Il est fait en père, avec des points de force, un grand galop ample, de l’équilibre, beaucoup de respect et un super mental. Nous espérons donc une belle carrière d’étalon. » Cela ne serait qu’un digne et mérité héritage de sa célèbre lignée maternelle.
KASPER DU VAL GUERARD & Hadrien Leleu - Crédit photo : PSV Photo
Le palmarès de ce Critérium Cycle Classique 4 ans Mâles & Hongres 2024
1- Covid van de Evexhoeve Z (Cascol Z), né chez Joren van der Bruggen (Belgique), monté par Pierre-Adrien Leportois (Allier) – 12 sans faute sur 12 sorties - 3ème du Top 100 SHF – 718 € de gains
2- Kokoriko Dorchival, sf (Windows van het Costerveld, bwp), né chez Sébastien Fonck (Bourgogne-Franche Comté), monté par Thomas Lévêque (Ain) – 12 sans faute sur 12 sorties – 3ème du Top 100 SHF – 866 € de gains
3- Kasper du Val Guerard, sf (Mylord Carthago, sf), né chez Michel Palau (PACA), monté par Hadrien Leleu (Calvados) – 11 sans faute sur 11 sorties – 13ème du Top 100 SHF – 802 € de gains