Fontainebleau 2022 : HUERTO DEL DIABLO Champion des Hunter 5 ans
Les cavaliers de saut d'obstacles ont dominé ce championnat associés, d'ailleurs, à des chevaux orientés au départ vers cette discipline. De la Bretagne aux Pays-Bas en passant par la Touraine, ce podium offre une diversité rafraîchissante et encourageante quant à l'intérêt des professionnels pour le hunter. D'ailleurs, le commerce semble là-aussi bien fonctionner et plaider en sa faveur.
Retrouvez l'interview vidéo de Tony Cadet, cavalier du Champion Huerto Del Diablo :
Rencontre avec des acteurs de la filière ravis et prêts à recommencer !
Huerto Del Diablo, un ange jusqu'au bout
Le nouveau champion des 5 ans Hunter est né en Bretagne...mais il puise bien ses origines en Normandie, et même dans la Manche, à l'élevage d'Orval de la famille Lempérière. En effet, la mère de Huerto, Je Viens d'Orval (Rosire), provient de la fameuse souche de La Belletière, grande gagnante internationale avec Hervé Godignon dans les années 80-90, elle-même mère de son autre bon cheval Highlander One. On retrouve dans cette souche la plupart des chevaux ayant fait la réputation de l'affixe, notamment l'étalon Tu Viens d'Orval, le gagnant international en concours complet Nodin d'Orval, et plus récemment Lana d'Orval (A. Lagoubie), et Petit Chef d'Orval (CSI pour l'Italie). "Je cherchais des juments et j'ai vu cette jument sous la selle d'Eric Février" raconte Janick Redon, le naisseur du champion. Président du Haras de Lamballe durant quelques années, ce chef d'entreprise dans la grande distribution a posé ses valises à quelques centaines de mêtres de chez Guillaume Ansquer, éleveur bien connu à l'affixe "de Kreisker". "Je suis aujourd'hui à la retraite ce qui me permet de monter tous les jours. J'ai mes poulinières et mes poulains à la maison, et Guillaume m'aide dans le choix des étalons et s'occupe des poulinages."
HUERTO DEL DIABLO & Tony Cadet - Crédit photos : PSV Photos
Les chevaux 'Del Diablo' sont déjà nombreux et ce n'est d'ailleurs pas Huerto qui fut le premier dans les écuries de Tony Cadet. "Un jour, des clients m'amènent Venta Del Diablo, une jument avec qui il ne s'en sortaient pas. Après un essai, je leur ai conseillé d'essayer de l'échanger" raconte le cavalier. Il contacta alors son naisseur Janick Redon. "Je voulais absolument récupérer cette jument" avoue ce dernier, "je leur ai donc proposé Huerto". Il n'avait que trois ans. "Ils me l'ont confié seulement en juin 2021, il n'a donc pas sauté à 4 ans" explique Tony Cadet. "Puis il a débuté en Formation 1 et 2 au début de l'année et je l'ai rapidement mis en hunter. Il est bien adapté, avec un excellent caractère, un bon galop, un joli geste des antérieurs qui forment un angle droit genou/avant-bras, toujours régulier, avec une vitesse constante". Tony Cadet connaît bien le monde du hunter et apprécie le circuit SHF pour son côté formateur. "Les chevaux sautent relâchés, on leur apprendre à se réceptionner sur un pied ou l'autre, ce sont des choses simples pour lesquelles il faut s'y prendre assez tôt. Le circuit est intéressant, d'autant qu'il donne des points supplémentaires à ceux qui sortent en Cycle Classique. Cela met en avant les cavaliers qui font bien leur métier." Il n'a aucun doute sur le fait que la discipline attire de plus en plus de professionnels, notamment grâce aux débouchés commerciaux. "Le hunter est tout sauf péjoratif. C'est important de montrer que nous sommes, nous français, capables de le faire, comme les Belges ou les Néerlandais." Ces pays ont été précurseurs sur ce marché juteux des chevaux de hunter destinés à l'Amérique du Nord. Huerto Del Diablo s'est d'ailleurs d'ores et déjà envolé pour la Floride. "Il va sauter 60cm, 80cm, 1m...il sera monté par une dame qui ne cherchera pas le chrono. La première qualité d'un cheval de hunter, c'est le zéro risque." Tony Cadet a d'ailleurs guidé des clients Californiens et Floridiens pendant la Grande Semaine. "Depuis l'an dernier, je passe cinq mois par an en Floride, de novembre à mars, entre Naples et Wellington où les propriétaires possèdent des écuries. Cette année j'emmène deux chevaux que je vendrai sur place. Là-bas, je ne monte qu'en saut d'obstacles, le hunter étant une discipline de spécialistes." Souhaitons toutefois que le nouveau champion SHF Hunter 5 ans connaisse la même carrière qu'un autre cheval formé par Tony Cadet, Poker du Poher, Champion Hunter SHF à 4 ans en 2007 et sacré à plusieurs reprises "Cheval de l'Année" aux Etats-Unis.
HUERTO DEL DIABLO & Tony Cadet - Crédit photos : PSV Photos
Melissas Sydney, le bon élève
Beaucoup l'observent depuis sa première sortie. Grand, beau, élégant, charismatique même, le fils d'Emerald a tout pour lui, y compris le talent à l'obstacle. Né aux Pays-Bas et inscrit au KWPN, Melissas Sydney fut repéré foal par Bernard Le Courtois, éleveur émérite et fin connaisseur. "Les origines me plaisaient, avec le croisement de deux cracks, Emerald sur l'excellente souche de Narcotique II de Muze, qui évolua au niveau international avec Eric Lamaze" explique-t-il. "J'avais envie d'expérimenter le croisement avec Katchina Mail et ses filles". Il parvient à convaincre un investisseur monégasque de miser sur ce poulain exceptionnel qui lui confia à l'élevage. "Il est toujours resté très beau" dit-il, "à deux ans, il était déjà bien fini et sautait très bien". Il fut d'ailleurs approuvé à l'AES et débuta la monte. "J'ai inscrit les poulains OC avec le secret espoir que le Selle Français finisse par l'approuver". Ce qui n'est pas apparemment à l'ordre du jour, mais n'a pas empêché les éleveurs de lui confier leurs juments avec une quarantaine de saillies annuelles. "L"histoire de ce cheval est singulière : l'embryon fut conçu en France puis implanté dans une porteuse achetée par des néerlandais, ce qui explique pourquoi il est né KWPN. Puis nous l'avons acheté poulain". Le bai confirme son intérêt pour le sport avec ce titre de vice-champion en hunter. "Il bouge très bien et a hérité de la technique de saut de son père, les genoux dans les ganaches" se réjouit Bernard Le Courtois. Après une année de 4 ans où il assura la monte tout en participant à la finale SHF Cycle Classique 4 ans (double sans faute) et Hunter 4 ans (vice-champion), Melissas Sydney réitéra l'expérience cette saison. "Il n'aurait peut-être pas dû faire la monte cette année" constate Bernard. "Cela lui a sans doute un peu tiré dessus car il n'était pas aussi brillant en fin de saison. Il perd le championnat car il ne passe pas un changement de pied lors de la dernière épreuve".
MELISSAS SYDNEY & Grégoire Hercelin - Crédit photos : PSV Photos
Appliqué et harmonieux, l'étalon offre également à son cavalier l'opportunité de démontrer tout son talent de préparateur. "Le cheval se prête énormément à ce format d'épreuve" dit Grégoire Hercelin. "Dans le style, le geste... Participer aux deux finales, Cycle Classique et Hunter, double les chances de bien figurer voire de remporter un titre. D'autant que le marché est porteur et terminer sur le podium assure quasiment une vente". Le normand, connu pour s'illustrer sur le circuit SHF Cycle Classique, développe de plus en plus le hunter, même s'il est parfois compliqué de trouver des épreuves. "Nous avons peu de compétitions en Normandie durant la saison. Il faudrait trouver des créneaux pour organiser des épreuves. Prenez l'exemple de St Lunaire : ils ont eu 100 engagés par jour ! En plus, les épreuves SHF Hunter donnent des points pour le Top 100, c'est dommage de ne pas en profiter !". De l'avis du pilote, ses consœurs et confrères ont encore du mal à se lancer dans cet univers qu'ils perçoivent comme un concours de déguisement. "Beaucoup trouvent ça ridicule. Pourtant, ça ne demande pas de gros efforts et ça fait du bien au cheval, on le rend disponible, et commercialement, c'est intéressant." D'ailleurs, Melissas Sydney pourrait bien prendre la route de l'Amérique du Nord, tant les sollicitations depuis Fontainebleau sont nombreuses...
MELISSAS SYDNEY & Grégoire Hercelin - Crédit photos : PSV Photos
Hitchcock de la Gagnerie, virtuose du hunter
Mais qui donc se cache derrière ce patronyme ô combien énigmatique...? Pour le savoir, petit retour en arrière il y a douze ans, lorsque Serge Petetin, pur amateur et grand amoureux des chevaux, décide d'acheter son premier cheval : Virtuose de Jalesnes. Ce fils du crack de Marcus Ehning Sandro Boy né chez Henry du Noyer, lui "tape" dans l'oeil. Il en fera son cheval, celui d'une vie, celui qui l'emmène en promenade chaque semaine. Installé alors au Haras de la Tonnellerie de Sylvie Passenaud, l'envie le saisit d'avoir un fils de son bel étalon noir pangaré. La propriétaire des lieux lui propose d'utiliser l'une de ses juments, Quoriana Sange. "Je tenais à avoir un descendant de mon cheval" dit-il, "mais je ne suis pas du tout éleveur". Espérant un mâle copie conforme du père et du grand-père, il obtient onze mois plus tard...une jument bai ! Qu'à cela ne tienne, il décide de la conserver et de la confier d'abord à Caroline Artaud à 4 ans puis à Victor Bernardin cette saison, cavalier professionnel installé à Sury-en-Vaux. 9ème de la Petite Finale l'an dernier, Hitchcok reprit sur le circuit SHF en avril. "Il m'était difficile de m'occuper de deux chevaux en même temps, j'ai donc choisi de la vendre" précise-t-il.
HITCHCOCK DE LA GAGNERIE & Léa Verdier - Crédit photos : PSV Photos
L'heureuse acquéreuse se nomme Léa Verdier. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant, c'est bien elle qui révéla au public l'excellente Pyrite du Loir, la fille de Kantje's Ronaldo née chez Patrick Meunier, finaliste SHF à 5 et 6 ans, vainqueur de nombreux Grands Prix poneys et membre de l'équipe de France. "J'ai acheté Hitchcok deux mois avant Fontainebleau" raconte-t-elle. "Je devais monter une 4 ans mais elle s'est révélée plus compliquée que prévu et nous l'avons envoyée en Normandie chez un professionnel. Je me suis retrouvée à pieds". Un coup de fil à Victor Bernardin et Léa acheta la jument. "Elle n'était pas qualifiée pour la Grande Semaine, et il me restait deux concours hunter" se souvient-elle. Fort heureusement, Hitchcok décrocha deux premières primes à Angers Corné...car au concours suivant, une faute émailla son score à chaque parcours. La suite, nous la connaissons : deux parcours sans pénalité lors de la finale lui offrent la troisième marche du podium. Bien que très expérimentée, Léa reste une cavalière amateur. "En 2017, je suis allée travailler au sein de grosses écuries en Normandie, chez Reynald Angot puis Skye Higgins. A la fin de l'année, en dressant le bilan, j'ai compris que je n'en ferais pas mon métier et que je continuerais à monter par passion" avoue-t-elle. La jeune femme jongle ainsi entre son travail et ses chevaux, au nombre de huit actuellement. Car évidemment, qui dit passion, dit aussi élevage, et chez les Verdier, le virus n'est pas prêt de s'envoler.
HITCHCOCK DE LA GAGNERIE & Léa Verdier - Crédit photos : PSV Photos